Suite et fin de l’épisode du Sugar Daddy (partie 1, partie 2, partie 3)
Au resto avec mon potentiel Sugar Daddy, nous continuons la discussion et je m’informe au sujet de son boulot de travailleur autonome.
– Ça roule, tes affaires? Tu es dans quel domaine, déjà? (Un domaine qui fait de l’argent, j’ose espérer!)
– Je suis courtier en imprimerie. Les entrées d’argent sont variables. (Tu devrais t’imprimer des billets verts, mon homme! En attendant, j’ôte 10 points de ton portefeuille. Total : 32.) Comme je n’ai pas tant de contrats, ça me donne du temps pour aller au gym. Tu sais, jeune fille (non, mais il se prend pour qui, mon père?), avec l’âge, on constate que la qualité de vie est plus importante que l’argent. (Euh… tu dis ça parce que tu n’en as pas beaucoup, mon vieux! Quant à moi, un 1000 $ de qualité de vie dans le Sud, c’est toujours apprécié!)
– Tu travailles de la maison? (Tu es mieux d’en avoir une!)
– En fait, je travaille de mon trois et demi… Avec l’âge, on constate qu’une grande maison, c’est beaucoup d’entretien et je n’avais pas envie de perdre mon précieux temps (surtout qu’il ne t’en reste peut-être pas beaucoup, n’est-ce pas pépère?) à faire du ménage et du jardinage. (Dis-le donc clairement : « Je suis paresseux et je ne me ramasse pas! » – 8 points… restent 24.) Excuse-moi, je vais passer aux petits coins… (Il est vrai que la capacité à se retenir diminue au même rythme que la détérioration prostatique s’accentue.)
Guy revient quelques minutes plus tard (la vieillesse ralentit la démarche). Alors qu’il reprend place à table, j’ai un bref instant une vision très claire de son profil… Est-ce que je rêve, ou il semble avoir un pneu autour de la taille? Impossible, ses photos de compétition laissaient tellement entrevoir une superbe silhouette… Je lui demande, le plus innocemment possible, feignant un intérêt sincère pour son hobby.
– Dis-moi, ta dernière compétition de body building, ça date de quand? Tu sais, la photo que tu m’as envoyée?
– Ah, ça remonte à il y a un an, cette compétition. (Un an! La madame est consternée! C’est vrai qu’au prorata de sa vie, ça représente tout de même un faible pourcentage.) J’ai repris un peu (un peu???) de poids depuis. Avec l’âge, mon corps ne réagit plus très bien à mon régime. (Un régime? Je comprends le pourquoi de la salade qu’il a commandée pendant que je mangeais des côtes levées. Je suis soulagée que ce ne soit pas la faute de son dentier trop usé… – 5 points… Plus que 19 points, mon ancêtre, fais quelque chose, ça sent le « na-na-na-he-he-he-good-bye». J’oubliais, -10 points pour la silhouette, restent 9 points.)
Une chance que mon repas s’avère succulent, parce que j’avoue que Guy n’a pas les qualifications requises pour devenir mon sugar daddy en règle… À quoi bon accepter les cheveux clairsemés et le tour de taille qui s’élargit si le monsieur n’a ni argent ni possessions? Je suis tentée de répondre : «à devenir bénéficiaire de son assurance-vie», mais je parie qu’elle ne doit pas s’élever à grand-chose.
Je revois mentalement ma liste de critères pour le choix de mes futurs prétendants : plus jeune, plus énergique, plus riche et je veux des cheveux!
Le souper se termine enfin, au fil d’une conversation intéressante à laquelle je n’ai guère porté attention, étant clairement trop traumatisée de notre différence d’âge apparente. Au moment de payer, je m’attends tout de même à ce que Guy m’invite…
– Laisse, je t’invite…
Il cherche son argent avec une lenteur digne de son âge vénérable. Son visage se plisse sous l’effet de cette intensive quête.
– Euh… Je suis vraiment désolé, je n’ai pas mon portefeuille. Avec l’âge (et ton Alzheimer en devenir?), on en oublie parfois certaines choses (oui, comme la générosité, peut-être?). Je te rembourserai ma part à notre prochaine rencontre… (Yeah, right! Dans tes rêves!)
Je me retrouve prise à payer pour nous deux… – 20 points… Total de la soirée : -11!
*
J’ai décidé que l’Alzheimer pouvait être pratique pour moi aussi… et j’ai donc oublié de répondre à Guy lorsqu’il m’a envoyé un courriel le lendemain, pour m’indiquer qu’il aimerait beaucoup me revoir et me rembourser sa dette. Malgré son âge avancé, je ne sais même pas si j’oserais le présenter à Rita, la tante de Marie, tellement il n’est pas à la hauteur! On peut dire qu’ « avec l’âge », je constate que j’aime mieux perdre un peu d’argent que de perdre mon temps avec un sugar daddy sans le sou… Ai-je bien fait selon vous ?
Quand les hommes voient la quantité de cheveux qui leur reste,
les femmes ne voient que ceux qu’ils ont perdus…
Anonyme (Evene.fr)