Il est 20h30 tapantes. Je pénètre dans le Starbucks, à la recherche d’un beau gars. Pas de beau gars à l’horizon. Je me commande un frappucino que je me paie moi-même… Décidément, ça commence mal… Quoi que, quand j’ai un café glacé orné de crème fouettée devant moi, je suis toujours heureuse (jusqu’à ce que je me remémore le nombre de calories là-dedans, merde!).
20h35… Bordel, qu’est-ce qu’il fout ?
20h40… Dans 5 minutes, je lève les pattes.
20h43. Le beau gars en question entre dans le restaurant. Fait surprenant, il arrive à m’identifier, même si je ne porte pas de fleurs à la boutonnière ou autre signe distinctif et quétaine du genre. Il se dirige vers moi au même rythme que ses prises de décisions. L’installation d’une borne de ravitaillement sera-t-elle nécessaire? Un petit jogging? Au moins une amplitude de foulée m’apparaîtrait flatteuse.
– Euh, excuse-moi, je me suis perdu. J’ai appelé chez toi à 20h30 pour te dire que j’étais en retard.
La confirmation flagrante qu’il n’est vraiment pas vite me surprend encore… Si je te dis que je suis ponctuelle, mon homme, ça veut forcément dire qu’à l’heure du rendez-vous : JE NE SUIS PAS CHEZ MOI!!! Enfin. Passons. Pas-vite (c’est vrai, il a un prénom, mais j’opte pour ce sobriquet qui lui va tellement bien) va se chercher un breuvage et vient s’asseoir à la même vitesse.
Comme l’être humain, et moi en particulier, est un être d’espoir, je m’attends à ce qu’il me pose des questions. Silence radio. On dirait bien que Germaine ici présente va devoir mener la conversation ou perdre son temps à admirer Pas-vite (qui est vraiment beau, je dois dire), pendant que les calories de mon frappucino s’éliminent à la sueur de mon impatience. Bon, il semblerait que je doive me résigner à ouvrir ma belle petite bouche aux lèvres pulpeuses (il ne faut jamais rater une occasion de se complimenter soi-même. C’est bon pour l’estime, et ça fait en sorte qu’on dégage une meilleure image lors des rencontres. Astuce gratuite, profitez-en!).
– Tu disais sur ta fiche que tu avais une fille. Elle a quel âge ?
– Euh… (deux secondes s’écoulent, quel progrès!) 5 ans.
– (Bon, il faut que je pose des questions à développement, ça a l’air!) Et ça va bien la garde (oups, il faut que je change la formulation, il va me dire juste « oui »), je veux dire, comment trouves-tu ça ?
– Ben (trois secondes… voire quatre!), actuellement… (deux autres secondes… il va me rendre folle!), je reste chez mes parents (LOOSER!!!), et j’ai la garde la majorité du temps, parce que la mère de la petite est en dépression (causée par un excès d’attentes lassantes) et elle n’est pas capable de s’en occuper…
– Ah, dommage. Ce ne doit pas être évident pour toi.
– Bien (trois secondes)… Mes parents m’aident beaucoup.
– Ah. (Câline, je n’ai pas le goût de lui poser de questions. Et si j’attendais TROIS secondes, pour voir ?)
Silence de cinq secondes (j’suis faite forte!).
– Et toi (wow, il me parle de lui-même!), tes enfants, ça va ?
– Oui, mais justement, (lorsqu’on m’ouvre une porte…) j’ai ma plus petite qui s’est mise à faire de la fièvre tantôt, alors je vais devoir écourter notre rendez-vous. Je dois partir dans cinq minutes.
– Ah. C’est dommage (que d’émotions dans la voix, décidément, même ses émotions prennent aussi trois secondes à émerger!).
Silence de six secondes. Et si je m’arrêtais pour bâiller? Non, mon rapide tempérament ne peut attendre.
– Et comme loisirs, tu fais quoi ? (Laisse-moi deviner, du vélo de course avec Grégory Charles ? ah, que je suis ironique…)
– Euh… (trois secondes). Bien je jouais au badminton au secondaire. Là, bien je passe du temps avec mes parents. On va au restaurant des fois. On joue aux cartes.
– Ah, c’est absolument FAS-CI-NANT. Mais je vais vraiment devoir y aller. Passe une belle soirée.
Et je me sauve le plus vite que je peux… Même sans la caféine ingurgitée, je crois que j’aurais tout autant couru… Je suis allée chez mon autre amie passer le reste de la soirée. Au moins, je n’ai pas tout perdu. Heure d’arrivée du pas-vite : 20h43. Heure de mon départ : 21h05. Heure d’arrivée chez ma copine : 21h12! Elle n’en revenait pas…
Épilogue
Le lendemain, j’ai reçu un message courriel de Pas-Vite me disant que j’étais vraiment jolie, aimable et intéressante. Rien concernant mon énergie débordante. Pfff. Il manifestait son intérêt à me revoir. J’ai répondu, poliment, après trois longues secondes de réflexion (je veux dire trois nanosecondes) : «Merci de cette gentille offre, mais je vais devoir décliner.»
Morale de cette rencontre
Si vous n’aimez pas la façon dont votre « blind-date » s’exprime au téléphone, ne vous tapez pas un rendez-vous en plus, ça ne sera pas mieux en personne !
Et n’oubliez pas : « Une «petite vite» vaut mieux que deux «tu ralentiras»… »